C'est où le Pamir et le Wakhan afghan ?

Le Pamir est un massif de haute montagne d'Asie centrale centré sur l'est du Tadjikistan avec des prolongements sur l'Afghanistan,  la Chine et le Kirghistan. Il possède de hauts sommets de plus de 7000 m comme le pic Lénine et le pic Ismaël Samani ce qui lui a valu le nom de "Toit du Monde". Ce massif est soumis à des conditions climatiques extrêmes avec de faibles précipitations et des écarts de températures importants.

Le massif est fréquenté depuis plusieurs millénaires. Il s'est trouvé sur des itinéraires secondaires de la route de la soie dès l'Antiquité. Toutefois, seuls les Tadjiks dès le IIe siècle puis les Kirghizes à partir du XVIe siècle y demeurent. Marco Polo est le premier Européen à traverser le Pamir au XIIIe siècle.

Le Pamir reste une des régions les plus isolées au monde. Les infrastructures sont peu développées et la population continue à dépendre de l'aide extérieure. Le tourisme, essentiellement axé sur l'alpinisme, le trekking et l'écotourisme peine à se développer, malgré la présence de nombreuses aires protégées, notamment le parc national du Pamir qui est le plus grand d'Asie centrale.

 

Le Wakhan Afgan:

Au 19 ème siècle les empires britanniques et russes rivalisent d'influence en Asie centrale. Un petit royaume tampon sans unité géographique, composé de tribus hostiles émerge peu à peu. On y trouve des tadjiks, des iraniens, des afghans, des patchounes, des ouzbeks, des mongols et des hazaras. C'est la naissance de l'Afghanistan. En 1895 anglais et russes dessinent les  frontières et créent cette langue de terre "ce doigt" qui va au nord-est pointe vers la Chine et évite au deux empires d'avoir une frontière commune. Ce sera le fameux "corridor du Wakhan", un des endroits les plus inaccessibles d'Afghanistan où j'ai l'intention de me rendre.


Pourquoi aller au Wakhan afghan ?

        Il y a déjà pas mal d'années que je voulais aller dans le Pamir et le Wakhan dû au hasard d'une conférence connaissance du monde je pense. Les récits de la route de la soie de différents "voyageurs" marchant dans ces magnifiques vallées et entre les montagnes m'ont toujours fascinés.

Mais seul je m'en serais tenu à la partie Tadjikistan plus simple et moins périlleuse que le corridor Wakhan afghan mais au hasard d'un forum voyage Jean-Marc de Clermont-Ferrand m'a proposé de m'accompagner dans cette aventure. Lui aussi ne voulait pas s'y rendre seul.

Voilà un extrait du très beau livre de Philippe Valéry "Par les Sentiers de la soie, à pied jusqu'en Chine", voyage réalisé de 1998 à 2000:

Comment y aller ? quel itinéraire ?

En provenance d'Istambul c'est au Tadjikistan que nous allons atterrir plus exactement à Dushumbé, la capitale. Deux jours de 4 x 4 à négocier pour parvenir à Korog en suivant en partie la frontière afgane et puis une autre journée pour arriver à Ichkachim et entrer en Afghanistan. A Ishkashim il nous faudra trouver un autre 4 x 4 pour atteindre le village de Sarhad, le dernier village wakhi et à partir de ce village plus de piste mais uniquement des sentiers de bergers et c'est à pied en 4 ou 5 jours qu'il faut pour arriver au  lac de Chaqmaqtin au petit Pamir, le lieu des campements kirghises mais il faudra trouver un guide et un cheval pour y parvenir. Nous y resterons quelques jours et il faudra rentrer soit en prenant le même itinéraire ou en passant par le grand Pamir. Dans ces campements du bout du monde peu d'approvisionnement il faut donc apporter riz, farine, sucre, pâtes et autres.

A Korog il faudra demander le visa afghan et le permis pour le petit et grand Pamir on doit le négocier à Ichkachim. Ces formalités sont assez compliquées à obtenir et dépendent du bon vouloir du gouverneur local. Bien entendu si nous n'obtenons pas ces "laissés passés" notre plan B consistera à rester dans le Wakhan Tadjique et la vallée du Bartang.

Nous partons le 25 août et le retour est prévu le 26 septembre.

Malheureusement il ne me sera pas possible de mettre à jour ce blog en cours de voyage mais dès que possible il y aura des nouvelles avec le récit de voyage et bien sûr des photos.

Quelles sont les populations habitant le Wakhan afghan

Les Wakhis: les Wakhis sont un peuple indo-européen qui vit sur les hauts plateaux d'Asie centrale au nord du Pakistan et de l'Afghanistan, au sud-est du Tadjikistan et à l'ouest de la Chine. Ce sont des ismaéliens nizaris, une secte chite qui reconnaît dans l'Aga Khan le 49 ème iman. Les wakhis sont des agropastoraux qui  pratiquent un mélange d'agriculture irriguée (blé, orge,) et d'élevage (mouton,chèvre, yack). Ils habitent à l'ouest du couloir entre Ishkashim et Sarhad. Dans le Pamir ils sont plus pauvres que les kirghises, ayant des pâturages  et des troupeaux plus petits.

Les Kirghiz afghans: L'histoire des kirghiz afghans commencent à 4000 km de l'Afghanistan dans le sud de la Sibérie où le premier empire kirghiz fût crée en 840 avant notre ère. Ils se sont dispersés dans différents pays d'Asie centrale mais c'est tout à l'est (petit Pamir) du couloir du wakhan que certains habitent aujourd'hui. En fait c'est au moment de la réforme agraire instaurée en URSS qu'ils se sont exilés plus au sud. Les kirghiz dépendent uniquement du bétail pour leur subsistance. Bien qu'isolés, leur économie repose sur les échanges. Les commerçants viennent d'Afghanistan ou du Pakistan leur apporter riz, sucre, huile, thé et repartent avec des moutons. Rien ne pousse au petit Pamir. C'est une des populations la plus isolée au monde.



Récit de voyage

En provenance d'Istanbul nous sommes arrivés à 3 h du matin à Dushumbé, la capitale du Tadjikistan  et je peux vous dire qu'à cette heure là tout est bien calme dans cette ville urbanisée comme une ville stalinienne de Russie avec de très larges avenues et des monuments grandioses dont le drapeau tadjik le plus haut du monde (à 150 m). Nous pouvons rentrer dans le hall de la guesthouse mais personne pour nous indiquer si une chambre est libre. Ce sera fait vers 8 h et en attendant nous parcourons cette ville où il n'y a pas vraiment de centre ville et tout est dispersé.

Notre premier travail est d'aller à la gare routière pour trouver un 4x4 qui nous emmènera à Korhog à 650 km, notre route vers l'Afghanistan. Nous trouvons Nafasbek, un prof de russe qui améliore ses fins de mois en faisant le taxi et il est disponible dés le lendemain matin. Nous serons 4, j'ai retrouvé Laetitia  avec son copain espagnol, une  jeune routarde avec qui j'avais fait un bon bout de chemin en Indonésie pour explorer les volcans, on s'est retrouvé (pas par hasard bien sûr) au Kirghistan il y a 5/6 ans et maintenant au Tadjikistan. Elle habite Gap et on a trouvé plus facile de se retrouver en Asie Centrale qu'en France original non ?  Avec son copain ils sont partis depuis quelques mois en Turquie et ils vont terminer en Chine début novembre.

Dès le lendemain et pour 2 jours (arrêt à Kaleikum) nous sommes donc 4 dans un 4 x 4 assez confortable pour parcourir cette route entre Dushumbé et Korhog enfin plutôt une piste le plus souvent, quelques fois bloquée par des camions chinois qui viennent inonder le marché tadjik. La route est vraiment magnifique, longe le plus souvent le fleuve Panj qui matérialise la frontière afghane, et passe dans des endroits incroyables Notre chauffeur parle un peu anglais et il nous arrête où nous le souhaitons, il nous aide même à trouver une guesthouse à Korhog ( à 2500 m d'altitude).

Dès le lendemain à la première heure avec Jean-Marc nous allons au consulat afghan pour décrocher le fameux visa et à notre surprise nous l'obtenons assez facilement mais au prix fort (180 $). Cette petite ville de Korhog est assez sympa pas du tout construite comme Dushumbé et à notre étonnement on trouve plus de personnes à parler anglais ici que dans la capitale. Le long de la rivière il y a un parc ombragé très agréable à flâner ou boire un verre. Dans les restaurants pas de carte en anglais mais on s'en sort quand même. En préparant ce voyage j'avais pris contact avec Zhandiya une jeune femme du PECTA ( The Pamir Eco Cultural Tourisme Association) une association qui peux renseigner pour explorer la région et nous lui rendons visite à son bureau. Il y avait eu une rumeur indiquant la fermeture de la frontière tadjik mais elle nous confirme que ce n'est pas le cas. En début d'après-midi nous partons pour Ichkachim le dernier village tadjik au plus près de la frontière afghane.

Dès le lendemain le passage de la frontière tadjik/afghan se fait relativement facilement avec un peu de patience, les policiers des 2 pays sont très pointilleux sur les formalités. Quand on pense que 80 % de la drogue produite en Afghanistan passe par ici, on se dit que les policiers ne doivent pas appliquer la même rigueur avec leurs concitoyens. En fin de matinée nous sommes à Sultan Ichkachim le premier village afghan où la transition culturelle avec le Tadjikistan est saisissante. Ici dans ce grand village toutes les femmes ont la burka, pas de mélange homme/femme dans l'espace puplic mais l'animation dans la rue est assez dense. Nous allons au tourisme office où il faut faire les nombreuses formalités pour notre voyage vers le Pamir. Un jeune homme parlant bien l'anglais nous aide et nous accompagne dans les démarches, assez compliquées et le gouverneur nous remet le permis de trek en afghan, le précieux document. Ce guide nous trouve également un chauffeur 4 x 4 pour rejoindre Sarhad dès le lendemain et il nous conseille pour faire les provisions pour notre trek après Sarhad. Le lendemain nous partons dès 5 h du matin et c'est par une piste très difficile et en 13 h (220 km) que nous arrivons à Sarhad le terminus de la piste. Nous passons sans problème les checks point de la route. A Sarhad, c'est la fin de la piste et par l'intermédiaire du patron de la guesthouse nous trouvons sans problème un muletier avec son âne qui veux bien nous accompagner durant ce périple.  Il ne parle pas anglais mais on nous dit qu'il connait bien le Pamir (Little Pamir), le feeling passe bien dès le premier contact.

Le lendemain à la première heure nous chargeons l'âne mais il a neigé la nuit dernière et il sera difficile de passer le premier col à 4200 m. Nous bivouaquerons dans la montée du col près d'un camp de nomade wakhi et le lendemain la neige ayant fondu nous reprenons le chemin.

Il nous faudra 4 jours en suivant le plus souvent la rivière Wakhan pour atteindre le premier village kirghise au Little Pamir . Nous traversons des paysages fantastiques, dans la vallée au bord du torrent ce sont un peu comme des oasis avec une végétation abondante et puis dès que nous nous en éloignons et que  nous nous élevons ce sont des paysages arides où aucun arbre et arbuste ne poussent mais seulement un peu d'herbe pour les troupeaux. L'eau de petits torrents venant de la fonte des glaciers est omniprésente. A côté de l'Indou Kush avec des sommets enneigés à presque 7000 m nous sommes bien petits. Cette vallée avec le lac Chaqmaqtin est immense et un village aperçu au loin demande plusieurs heures pour l'atteindre.

Au premier village kirghise un incident va remettre en cause notre progression. On nous dit que maintenant nous sommes en territoire kirghise et ça doit être un kirghise avec son cheval qui doit nous accompagner et il nous faut de se séparer de notre brave Amèmbek wakhi avec son âne.  Nous faisons part de notre immense déception et à notre surprise le chef kirghise nous autorise tout de même à continuer avec notre muletier wakhi. Amèmbek sera formidable tout le temps du trek, très attentionné avec nous, faisant la cuisine lors des bivouacs et puis que ce soit en territoire wakhi ou kirghise il est bien accepté. Il a déjà fait cet itinéraire et il connaît tout le monde. Nous restons 1 journée et 1 nuit dans les villages kirghises sauf dans un autre nous resterons 2 jours ayant été invité à rester plus longtemps et on s'y sentait bien. Ce ne sont pas véritablement des villages mais un campement de 4 à 7 yourtes avec 2 ou 3 familles représentant environ 20 à 30 personnes. Les femmes cuisinent sur feu de bouse de yack uniquement, pas de bois entre 4000 et 5000 m. Quelques fois nous puisons dans nos provisions pour compléter le maigre repas kirghise.  Dans un village on tue un chevreau en notre honneur et en soirée c'est toute la famille qui dîne avec nous. A chaque fois on est accueilli avec le chaï ( thé au lait de yack salé) la crème de lait de yack et du pain de farine d'orge. Tout le monde trempe son morceau de pain dans la gamelle de crème. Les femmes ne mangent jamais et en même temps que nous.

Nous sommes arrivés tout près de la frontière chinoise et nous amorçons notre retour qui se fait par un autre chemin plus montagnard en passant un col à 4700 m puis un autre à presque 5000 m. Dans le principal village kirghise une ONG a construit une école (2 yourtes et 4 instituteurs) mais très peu d'enfants la fréquentent. Un enfant est bien plus utile à aider les parents à s'occuper des troupeaux et puis l'école est très loin de leur domicile. Ici l'hiver il peut faire très froid jusqu'à moins 40 et cela rend la vie très difficile. L'hiver une naissance est un décès quasiment certain et jusqu'à 2 ou 3 ans un enfant n'est certain de survivre. C'est aussi difficile pour les troupeaux et n'ayant pas d'étable il arrive fréquemment que des animaux meurent de froid surtout les moutons ou les chèvres, les yacks s'en sortent mieux. La principale ressource des kirghises est de faire du troc au Pakistan ou au Tadjikistan avec leurs animaux mais les produits chinois sont bien présents sous les yourtes. Etant arrivés dans le corridor du wakhan par accident suite aux réformes agraires de l'URSS les kirghises n'ont pas de passeport, ne sont pas officiellement afghans et donc ne peuvent pas voyager sauf pour faire du troc dans les pays voisins.

Nous arrivons en territoire wakhi et c'est une tout autre configuration de village, ce ne sont plus des yourtes mais des maisons en pisés très basses avec un toit tout plat, le feu est au milieu de la pièce et la fumée s'échappe par un trou dans le toit. Le couchage est d'un côté du feu et la cuisine très rudimentaire de l'autre. Au premier abord on voit que les wakhis de cette zone sont plus pauvres que les kirghises. Les troupeaux sont plus petits et les pâturages dans des vallées plus étroites et leur vie est encore plus difficile. Les habits des femmes, des enfants mais aussi des hommes sont bien plus modestes que chez les kirghises. Nous sommes bien accueillis dans chaque famille, le chaï avec le pain de farine d'orge est traditionnel à notre arrivée. Un village représente 2 à 5 maisons soit 15 à 25 personnes environ. 4 à 7 heures de marche séparent chaque village et nous séjournons dans 4 villages et à chaque fois l'accueil est touchant. Nous ne sommes pas toujours autoriser à prendre des photos des gens surtout pour les femmes et on ne sait pas trop pourquoi. Elles paraissent très réservées et quelques fois elles se cachent le visage avec leur foulard quand elles passent devant nous mais quand nous sommes autorisés ça devient un jeu en montrant le cliché sur l'appareil surtout avec les enfants.

Très peu de monde viennent jusqu'en territoire kirghise et wakhi, durant notre périple nous rencontrons seulement 2 américains et un autrichien qui travaille lui pour une ONG. On nous dit que seulement 8 à 10 personnes viennent durant une année. A part la chute de neige du premier jour la météo est très bonne tous les jours mais cependant les nuits sont très fraîches avec le plus souvent des gelées.

Après 17 jours de marche que nous arrivons à notre point de départ le village de Sarhad où la moisson de maigres céréales bat son plein. Nous quittons Amèmbek avec nostalgie, il a été tellement formidable.

Puis c'est le retour vers Sultan Ichkachim en 2 jours de voiture sur cette piste où quelques fois on reste bloqué au milieu de la rivière et il faut descendre pour sortir la voiture. Le passage de la frontière afghan/tadjik est assez folklorique puisque nous restons bloqués 2 heures entre les deux postes frontières. Ils n'ont pas tout à fait les mêmes horaires et il y a un portail avec une cadenas afghan d'un côté et un cadenas tadjik de l'autre et il faut que les deux policiers ouvrent cette porte en même temps.

Le retour vers Korhog et Dushumbé se fait par la même route qu'à l'aller, une route incroyable le long du fleuve Panj. Nous faisons un bout de chemin en 4 x 4 avec une jeune fille tadjik qui étudie le français à la faculté de Toulouse et elle revient en France pour sa seconde année d'étude. Elle nous dit qu'elle la seule étudiante tadjik de toute l'université. Au cours de ce chemin retour elle négocie très férocement avec un policier tadjik qui nous faisait des difficultés avec nos visas qui n'étaient pas conformes selon lui.

Je pense que nous avons été gâtés par les conditions de ce trek: toutes les autorisations (visa et permis) ont été obtenus sans trop de difficultés, la météo a été très favorable, Amèmbek notre muletier a été formidable bien que ne parlant pas anglais, nos taxis ont été tout à fait correctes et aucune blessure n'est arrivée ce qui aurait pu devenir compliqué pour se secourir.   


Les photos